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11 mai 2008

Parcours - prélude (II) à l'histoire de la conscience imaginaire

Les recherches sur les liens entre surréalisme, romantisme et anciennes gnoses, m'ont poussé à explorer plus avant ces domaines. Mais une telle étude, par les voies que je désirais emprunter, dépasse de loin mes capacités, en temps comme en connaissances. Il n'est donc de cette démarche que fragments, que je livrerai peu à peu ici.

Dans le premier texte, Émergence, j'ai d'abord préféré évoquer ce terrain, mythique, de la rencontre, et tracer en  traits larges ce que pourrait être ce cheminement, et son orientation.

Le second texte ici, "Parcours" est plus ancien: première tentative d'expliquer les raisons d'une telle recherche, il revient plutôt sur ce qui m'y a amené.

Un troisième, bientôt, explicitera la "méthode" suivie, après quoi, les premiers fruits cueillis sur ce chemin seront livrés ici au gré des envies.

Fragments, ces textes inscrivent entre eux vides et répétition dont vous voudrez bien m'excuser.

PARCOURS

Une étrange ambition parcourt cette recherche : trouver au cœur de l’esprit humain les traces d’un récit polaire, par lui tracer quelques fragments de l’histoire d’une hypothétique conscience imaginaire. 

Comment a-t-on pu en arriver là ? Il y a d’abord le sentiment confus, retrouvé partiellement chez plus d’un auteur que « quelque chose » reliait entre elles ces pensées pourtant très diverses que sont le Gnosticisme, une certaine mystique, le romantisme et le surréalisme.

Il y a conjointement l’attraction exercée par le surréalisme, le désir d’en comprendre les racines et les possibilités de prolongements. Ce qu’il a été peut-il encore être, et comment ? Ou, s’il ne détient plus de part du nécessaire, vers où porter le regard ? On ne trouvera pas de réponse ici à cette question. Mais on voit ainsi que ce n’est pas l’irréversibilité de l’histoire, plaçant naturellement le dernier venu en poste d’observateur privilégié, de destin apparent de ce qui l’a précédé, qui seule incline à trouver les prémices d’un tel parcours en arrière dans le surréalisme même. C’est le désir de mieux comprendre les ressorts profonds de celui-ci qui a initié cette mise en perspective, pour ensuite se porter au-delà.

Le surréalisme aura été le mouvement pictural et poétique le plus fécond de l’entre-deux-guerres. Son éclat et son activité se sont prolongées bien au-delà, séparément le plus souvent. Sa volonté d’aller au-delà de l’art, au devant des faits, d’ouvrir l’existence humaine aux grands vents du désir et de l’imaginaire ne permet pas d’en faire un mouvement artistique parmi d’autres. Par cette ambition, il aura voulu saisir l’un des enjeux essentiels du destin avec une vigueur et une rage sans autre pareil aux temps modernes que celles des romantiques d’Iéna, avec plus de ténacité et de constance que ceux-ci. 

Il aura traversé les esprits et l’époque à coups d’éclats et de verbe haut. Ce caractère fulgurant, rageur, impatient, intolérant lui ont fait un sillage écarlate et merveilleusement brutal qui aura focalisé les passions adhérentes et répulsives. On s’en est tenu à l’écart parfois avec autant de méfiance que l’on s’y est plongé avec ferveur. C’est qu’entre l’exaltation du verbe et la profondeur de la quête spirituelle se déployait parfois un espace creux où le goût de la formule vive et de l’imprécation savamment offensante cachait l’indécision et l’incohérence. Le surréalisme aura eu le mérite d’avoir plus que tout autre mouvement d’idées du siècle passé cherché la clé des destinées individuelles, il aura eu le tort d’avoir trop souvent proclamé l’avoir découverte, et d’avoir parfois trop vite nié aux autres le partage de cette recherche.

Se détachant du spectacle des interdits et des sentences dans lequel le surréalisme s’est occulté, il ne s’agit pas de s’en prendre à la révolte, signe irrémissible de départ par où tout s’initie. Mais précisément, de ne pas la faire se retourner sur ses pas pour prononcer de curieuses condamnations, aveugles aux contradictions vivantes de ce qui est accusé et parant ce qui accuse d’une blancheur non moins égarante.

La virulence qui aura nourri l’élan et tendu l’espoir de ceux qui se lancèrent dans l’aventure s’est desséchée, feuille morte sans regrets. Les frontières trop opaques entre les surréalistes et le reste s’estompent, qui pourront laisser voir combien le surréalisme aura été nourris par d’autres aventures contemporaines et en aura infléchi le cours. Mais surtout, débarrassé de ses trop lourds effets, le surréalisme sera heureusement réduit à son sourd noyau de feu. En lui, le son à peine audible des plus secrètes sources de l’être qui fait de loin en loin résurgence au cœur de l’histoire, aura trouvé une chambre d’écho, un visage pour ce temps.

Cette décantation, cette réduction du surréalisme à ses fragments premiers par lesquelles pourront naître d’autres composés de conscience, aura lieu. L’une des voies de cette destruction et de cette renaissance consiste peut-être à le détacher du masque de la modernité en le replaçant vis-à-vis de ses prédécesseurs. S’il fut vraiment ce que l’on dit, la voix contemporaine d’une nécessité permanente de l’être, celle-ci a dû auparavant emprunter d’autres visages dont il convient de requérir témoignage

Les surréalistes ont volontiers insisté sur le fait que leur mouvement s’inscrit dans une lignée infinie de poètes, d’artistes et de penseurs. D’Héraclite à Sade, d’Abélard à Jarry, de Lautréamont à Engels, André Breton aura porté son regard en arrière dans bien des directions.

Mais c’est plus particulièrement vers l’ésotérisme qu’il se tournera pour trouver une possible filiation aux idées qui l’animent. Il dira à plus d’une reprise que le surréalisme comme le romantisme ont sans doute suivi des chemins analogues à celui de la Tradition occulte, de la Gnose. L’insistance mis par celui qui, plus que tout autre, aura incarné le surréalisme, au point de paraître se confondre parfois avec lui, à souligner les correspondances entre poésie et ésotérisme a provoqué la première orientation de cette recherche.

Pourtant, une certaine prudence s’est imposée. André Breton aura été, quant à l’ésotérisme, assez isolé au sein du surréalisme : l’attitude des autres surréalistes est des plus variables, de l’incompréhension hostile à l’adhésion discrète, en passant par l’indifférence amusée et un ésotérisme purement subjectif.

La position de Breton lui-même, malgré la constance de l’intérêt, a connu bien des variations quant au sens et à la portée des correspondances mises à jour, correspondances qui restent par ailleurs à peine esquissées. Au-delà de ces variations cependant, il y a l’admission implicite ou ouverte de l’existence d’une Tradition continue et unique, aux racines immémoriales, et corrélativement, la reconnaissance de la prétention de certains ésotéristes ou gnostiques modernes d’être les dignes héritiers ou interprètes des formes anciennes :

« Quoi qu'il en soit, nous entendons laisser aux spécialistes de l'occulte la responsabilité de décider, toutes pièces en mains, si un certain nombre d’œuvres poétiques, de celles sur lesquelles se concentre l'attention moderne, ont été conçues en liaison étroite avec ce que ses adeptes tiennent pour « la première doctrine religieuse, morale et politique de l'humanité », ou si elles en dérivent de manière plus ou moins consciente, ou si elles tendent - tout intuitivement - à la recréer par d'autres voies. » (André Breton, Devant le rideau)

Enfin, ce que l’on nomme l’ésotérisme est un ensemble des plus variés, aux contours très mal définis. Il y a d’un côté l’ésotérisme moderne, des plus éclatés. Outre à l’alchimie, et bien à d’autres penseurs de l’ésotérisme contemporain comme Malcolm de Chazal ou Raymond Abellio, Breton prêtera une attention particulière à la pensée du traditionaliste René Guénon. De ce dernier, on peut revenir vers l’ésotérisme ancien, et particulièrement musulman. L’une des sources de la pensée de Guénon est l’œuvre du maître soufi andalou du XIIe siècle, Ibn Arabi. Cette œuvre a été magistralement étudiée par l’orientaliste Henry Corbin, par ailleurs spécialiste de la pensée ésotérique iranienne. Corbin a prolongé à l’occasion son regard en aval vers le romantisme allemand, et particulièrement Novalis, mais surtout  en amont vers le gnosticisme antique:

« L'on sera peut-être à même de démontrer un jour la filiation secrète d'une gnose à l'autre. Pour le moment, on doit se limiter à relever des traces et des indices, déjà suffisants pour que le problème se pose. » (Henry Corbin, De la Gnose antique à la gnose ismaélienne)

De leur côté, les surréalistes n’ont pas manqué de s’intéresser au gnosticisme, en particulier lors de la découverte des textes gnostiques de Nag Hammadi :

« On sait, en effet, que les Gnostiques sont à l'origine de la tradition ésotérique qui passe pour s’être transmise jusqu'à nous, non sans s’amenuiser et se dégrader partiellement au cours des siècles[…] Tous les critiques vraiment qualifiés de notre temps ont été conduits à établir que les poètes dont l'influence se montre aujourd'hui la plus vivace, dont l'action sur la sensibilité moderne se fait le plus sentir (Hugo, Nerval, Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, Mallarmé, Jarry), ont été plus ou moins marqués par cette tradition. […] Je suis persuadé que maint problème s'élucidera par là et que, si les révélations attendues se produisent, on vérifiera la réalité et l'on saisira pour la première fois la nature de ces liens fulgurants qui ont permis à M. Jules Monnerot d'embrasser du même coup d'oeil la démarche gnostique et la démarche surréaliste ». (André Breton, Flagrant délit)

Enfin, les rapports entre le romantisme, particulièrement les romantiques d’Iéna et les  petits » romantiques français (Nodier, Nerval), et le surréalisme ont été maintes fois remarqués : 

« Le surréalisme prit une plus nette conscience de certaines démarches devenues familières à la poésie au cours du dernier siècle. Par là il se rapproche du romantisme allemand, au moins autant que par son usage du rêve.[…] Pourtant, l'esprit reste insatisfait: il perçoit, sans qu'il soit possible de les fixer en une formule, certaines affinités qui font de ces poètes une famille, de leur poésie à tous un climat dont l'unité est indéniable. » (Albert Béguin, L’âme romantique et le rêve)

D’autres figures isolées peuvent servir de point de passage entre ces différents visages de l’ésotérisme et de la poésie, comme Plotin, Dante, Agrippa, Böhme. Enfin, certains mythes semblent attirer vers eux l’intérêt des uns et des autres, tel les récits de geste médiévaux, en particulier le cycle du Graal, où certains croient reconnaître la trace des quêtes spirituelles gnostiques et dans lequel le surréalisme se retrouvera volontiers :

« Le compagnonnage de la Table ronde, la quête passionnée d’un trésor idéal qui, si obstinément qu'il se dérobe nous est toujours représenté comme à portée de la main, figurent par exemple assez aisément en arrière-plan un répondant - au retentissement indéfini - pour certains des aspects les plus typiques de phénomènes contemporains, parmi lesquels le surréalisme » (Julien Gracq, Le roi Pêcheur)

Ainsi tout un réseau de correspondances partielles, mais peu analysées, d’influences vraisemblables, mais mal établies, relie entre eux des mystiques, des penseurs, des artistes et des poètes les plus divers. Le désir de savoir s’il n’y avait là que des mirages, éventuellement entretenus par quelques habiles faussaires, ou si on était en présence d’un continent peu exploré, du moins en pleine lumière, de l’histoire de la pensée humaine, invitait à prolonger le regard de ce côté.

L’attitude des auteurs ésotériques eux-mêmes vis-à-vis de cet ensemble est des plus variés, entre ceux, parmi lesquels Guénon, qui cherchent à tracer une ligne infranchissable entre un ésotérisme authentique et immémorial réservé à quelques rares initiés et un occultisme moderne déchu et aveugle, offert au tout-venant ; ceux qui voient dans ces diverses correspondances l’effet de la transmission secrète et continue d’une Tradition intangible, qui constituerait le cœur invisible de ces manifestations multiformes ; et ceux qui, comme Corbin situent ces rencontres sur le plan a-historique de l’esprit.

Loin de mettre l’accent sur le rôle d’une Tradition ininterrompue des plus hypothétiques, le parcours qui suit est tout autre. Il cherche à mettre en lumière combien des pensées d’origines culturelles et d’époques diverses en viennent à converger sur des points essentiels.

C’est qui a amené à préférer, dans cet ensemble infini aux contours incertains, les deux expressions les plus riches en créations nouvelles et en variations intérieures, le gnosticisme antique et la mystique gnostique de l’Islam médiéval. Bien évidemment, l’existence d’une Tradition continue jetterait une toute autre lumière sur les causes de ces convergences. Mais, parmi bien d’autres problèmes qu’elle pose, une telle hypothèse se heurte à un obstacle majeur : ce théâtre de l’esprit vers où convergent ces pensées est précisément ce qui, dans toute aventure humaine, participe du plus strictement individuel et touche à l’indicible, à l’intransmissible.

Là est l’essentiel. Malgré l’intérêt de Breton pour toutes les formes d’ésotérisme, bien que ce fut en regardant vers elles que l’on est arrive jusqu’à ces pensées anciennes, il a paru nécessaire, au moins dans un premier temps, de n’aborder de l’ésotérisme que ces deux visages-là.

Faut-il ajouter que les raisons de ce choix sont postérieures à l’émotion provoquée par la découverte de certaines œuvres gnostiques et mystiques, contrastant avec le malaise ressenti trop souvent à la lecture de certains ouvrages de l’occultisme et de l’ésotérisme moderne, par l’impression de renfermé qu’ils peuvent provoquer? Ce qui distinguent généralement les anciens des modernes est la place laissée chez les premiers aux audaces de l’imagination créatrice, alors que les seconds, à se vouloir les tenants d’une inamovible Tradition, tendent à n’être que les taxidermistes de l’imagination créatrice. L’analyse ultérieure aura à la fois nuancé et peut-être rendu plus légitimes ces préférences immédiates, mais ne les aura en rien déterminées.

Tout en cherchant ce qui réunit ces pensées n’a-t-on pas pour autant voulu ignorer ce qui, radicalement, les séparent. Comment pourrait-on en effet rassembler en un seul tenant : des gnostiques hérétiques de l’Empire romain, opposant un Dieu ineffable et faible à un Dieu créateur mauvais et ignorant, appelant les Elus à briser la prison des corps pour rejoindre l’unité primordiale, composant des récits mythologiques très variés ; des mystiques musulmans passionnément en quête d’une fusion absolue avec le Créateur, se voulant d’une servitude radicale à son égard et fondateurs de systèmes ésotériques complexes ; un mouvement littéraire, le romantisme, réclamant toute licence à la subjectivité et aux sentiments, voulant retourner à l’essence même de la religion chrétienne, tout en écrivant des romans d’initiation ; un autre mouvement littéraire et artistique, le surréalisme, irréductiblement athée, adhérant un temps aux thèses du matérialisme marxiste, se méfiant de toute subjectivité et faisant de l’érotisme une clé de voûte de sa pensée ?

Un regard plus approfondi révèle encore d’autres différences, tout en mettant à jour des convergences inattendues. L’image déjà évoquée de la quête spirituelle, toute équivoque qu’elle soit, s’est imposée naturellement comme la passerelle privilégiée par où faire communiquer les versants poétiques et gnostiques de cette histoire. En elle semblent se mirer ces aventures singulières, comme si, sous le couvert des conceptions de l’homme et du monde les plus diverses courait une série de faits qui les unit souterrainement. C’est ce qui a déterminé l’attention portée à la cohérence interne des faits et conceptions, sans faire intervenir en priorité la question de la nature de ces faits: subjectifs ou objectifs; intervention de l’au-delà ou processus psychologique; ni la question de la vérité des conceptions. La vie, comme les émotions, les rêves qui y participent, gardent le pas sur l’idée que l’on peut s’en faire. Si l’on est pris par la cohérence et l’émotion qui habitent ces auteurs, et les récits qu’ils nous font, il faut se laisser emporter par le sentiment qu’ils ont vu, avant de se poser aussitôt la question de ce qu’ils ont vu.

C’est au prix de ce relâchement provisoire de l’esprit critique que peuvent être saisies ces aventures dans leur diversité, et que peut être préservé leur pouvoir de révélation. C’est à ce prix que leur mise en perspective peut mettre à jour une structure sous-jacente qui ne soit pas le simple reflet de la grille interprétative que l’on leur aurait préalablement appliquée.

Ne nous leurrons pas au-delà: dès lors que cette structure apparaît, le relâchement n’est plus de mise. Les conceptions nourries par d’autres expériences et d’autres témoignages, viennent se mêler à la recherche et lui donnent une orientation analytique qui n’a plus rien de neutre. C’est là la rançon même de l’intérêt porté à ces aventures, et de l’émotion qu’elles ont pu engendrer, que de chercher à les intégrer dans une conception cohérente de l’existence, au prix si nécessaire d’une refonte de celle-ci qui prenne en compte les données de ces aventures. Là, la divergence devient totale avec la perspective par ailleurs si riche d’un Henry Corbin. Au ciel transhistorique et spirituel, au monde imaginal où il place les rencontres de ces trajectoires diverses succède ici la terre obscure de la condition humaine dans ses traits les plus permanents, dans son épaisseur matérielle. Mais malgré cette présence du regard analytique, il reste possible de ne pas se clore dans un regard déterminé, de se laisser parfois happer par une pensée, de se laisser dériver sans préjuger des rencontres.

Alors apparaissent un certain nombre d’éléments, symboliques et conceptuels, suggérés par ces aventures mêmes. Ce qui naît en filigrane de cette histoire n’est plus exprimable hors d’elle. Superposant les lignes arborescentes, broussailleuses ou brisées de ces paroles anciennes et contemporaines, les différences s’estompent, et les traits communs ressortent, qui dessinent l’esquisse d’un portrait, comme un nouveau visage de l’homme.

Ce portrait, il est trop tôt pour affirmer s’il n’est qu’un collage arbitraire, fait de ressemblances formelles et d’accidentelles réminiscences, ou s’il est ce fil souterrain, qui relie gnostiques et poètes, cette source vers où remontent leurs chemins éloignés, ce lieu que l’on désigne ici sous le terme large et ouvert de « conscience imaginaire ». Si un tel fil existe, s’il n’est pas une illusion d’optique, ni la peu probable résurgence d’une immémoriale Tradition, il faudra alors peut-être convenir qu’une telle obstination à renaître sous d’aussi diverses formes et époques, doit s’ancrer dans une nécessité fondamentale de l’être.

Mais alors le surréalisme, cessant d’être l’observateur privilégié par l’irréversible, deviendrait la manifestation contemporaine de cette nécessité, et se trouverait placé au cœur d’un courant qui, s’il aboutit à lui dans les limites de cette histoire, tendrait à lui survivre ou, s’il sait encore s’en faire porteur, à le prolonger. La décantation opérée par le regard historique accuserait le contraste entre ce qui dans le surréalisme, ressort du nécessaire et ce qui tient plus étroitement au circonstanciel, sans que l’on puisse prétendre les séparer absolument. Un surréalisme latent se dégagerait un peu du surréalisme manifeste, comme pour prendre la mesure de ce qui a été accompli au regard de ce qui, plus ou moins intuitivement, se proposait. Un tel procédé ne serait cependant légitime que si ce fil souterrain, cette conscience imaginaire, est autre chose qu’un mirage, mais aussi s’il s’avérait qu’elle a joué, dans le surréalisme, un rôle focal.

Il ne saurait être question dès l’abord de définir ce que pourrait être cette conscience imaginaire, sans risquer de guider trop étroitement un regard qui, au fil des pages, devra pouvoir se faire vagabond et préhensile. On ne veut ici qu’en esquisser quelques traits.

Il s’agit d’une conscience narrative. Elle aura bien souvent les traits d’un récit, d’un voyage: récits mythologiques; récits de voyage mystique; roman initiatique; récits du « hasard objectif ».

L’imaginaire est ici à rebours de la fiction: assoiffé de réel : à la fois connaissance et création, rêves et faits.

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Commentaires
P
et l'essentiel est ce recul que nous pourrions prendre face au temps, je pense "recul" non pas en terme de concession du temps que nous pourrions accorder, sorte de tranches découpées pizzaïdales où l'anchois côtoit l'hermine sans jamais se toucher mais "recul" avec ce fondu du temps dans le Temps où l'essentiel s'imbrique dans le futile et inversement.<br /> Il est vrai que sur mon île je suis moins concernée par cette course qu'on voudrait bien nous faire tenir.<br /> Ne vous inquiétez pas Charp et prenez votre temps...par la main.
F
Ah ! oui ce salariat qui mange une bonne partie de notre énergie et qui, parfois, entame la force du désir, comme je vous comprends ! Il faudrait l'abolir définitivement, mais ceci est une autre histoire. Quoi qu'il en soit, je suis convaincu que le monde phénoménal n'aura pas raison de votre passion, et c'est là l'essentiel.
C
Merci de vos encouragements, Pascale, cela fait plaisir. <br /> Hélas je manque de temps pour l'instant, - la sous-vie du salariat- mais je compte certainement reprendre ce travail dans les semaines qui viennent. Peut-être sous un autre angle, nous verrons.
P
C'est un exellent travail que vous fournissez là.<br /> L'introduction par le conte dans "Emergence" m'a vraiment captivée, votre analyse sur "Parcours" est très intéressante. Continuez je vous en prie.
C
Merci de ces précisions. Je connais malheureusement assez mal "Le grand jeu". Cela fait partie depuis longtemps pourtant des terres que je devrais explorer, en rapport avec cette thématique
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