Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Encyclopedia Novalia
Publicité
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 11 591
2 janvier 2009

Qu'est-ce que l'imaginaire?

Le terme d'imaginaire, ou d'imagination, est sujet de tant de sens qu'il convient, puisque ce sera le thème de ce blog, de préciser un peu les contours sous lesquels on l'abordera ici.

Dans les lignes qui suivent, ce ne sera encore que de manière fragmentaire et par trop schématique, plus une litanie d'énigmes et d'affirmations suspendues qu'une véritable réflexion. Des germes ou des lambeaux? Nous verrons bien.

 

L'imaginaire est l'esprit partant à sa propre recherche, arborescence de l'être rompant toute amarre pour se contempler, tremblant, dans le miroir transparent du double.

 

L'imaginaire se comprend comme l'un des termes de l'antinomie raison-imaginaire. Il a pour forme objective l'art, comme la raison a pour forme la science.

 

Alors que la raison interroge le connu, qu'elle élargit sans cesse, l'imaginaire arpente l'inconnu qu'il invente en toute démesure. Il est l'inconnu qui se mire dans l'esprit de l'homme.

 

L'opposition raison-imaginaire n'est pas opposition connaissance-création, mais chemins inverses de l'un à l'autre: la raison crée par la connaissance, l'imaginaire connaît par la création.

 

L'imaginaire n'est pas le fictif, mais l'au-devant du réel. La nature imagine et se rêve sur les chemins absents.

 

***

 

Là où la raison sépare, l'imaginaire unit; là où elle bâtit, il détruit; là où elle clôt, il ouvre. Là où elle équilibre, il perturbe. La raison tend au continu, l'imaginaire au discontinu. En se niant l'un l'autre ils se créent.

 

Le principe de la raison est le principe d'identité, le a=a. Le principe de l'imaginaire, c'est au contraire l'image poétique, telle que l'a fixée Reverdy: "l’émotion poétique ne naît pas du rapprochement de deux réalités similaires, mais de deux réalités plus ou moins éloignées"

"Quand tu vas balayant l’air de ta jupe large,
Tu fais l’effet d’un beau vaisseau qui prend le large,
            Chargé de toile, et va roulant"

La raison a pour idéal la cohérence, l'imaginaire la beauté.

Les deux modes se distinguent aussi dans le rapport à la conscience: la raison se lie à l'attention pour élever le niveau de conscience, cherchant à réduire à un bruit de fond insignifiant l'inconscient, alors que l'imaginaire abaisse au contraire au maximum le seuil de la conscience, pour que "certaines phrases viennent frapper à la fenêtre", ces phrases qui donnent le la de l'imagination poétique, et qui sont les surgissements de l'inconscient au cœur de la conscience.

Si l'identité est le principe rationnel, cela signifie que sur le plan psychologique, son axe est le Moi. Dans l'imaginaire, "Je est un autre". La raison avançant par déduction, et l'imaginaire par narration, l'équivalent psychologique du "Moi" dans l'imaginaire est la "quête éclatée", évoquée en ouverture dans Emergence.

Ce dernier point, le plus étrange peut-être de ce qui est dit ici, est au cœur de mes questionnements sur la "conscience imaginaire". Étrange déjà, car cela rompt avec toute recherche discursive pour se laisser tremper dans les eaux rêveuses des symboles. C'est qu'il y a dans cette recherche une contradiction fondamentale: la recherche, dans sa méthode, et dans la plupart des lignes ici est rationnelle, là où son objet est l'imaginaire. Affirmer que l'esprit se polarise entre imaginaire et raison, ce n'est pas signifier qu'ils s'ignorent. Mais cela suppose un certain mouvement de pendule.

Approcher l'imaginaire par antinomie est une méthode rationnelle par excellence: la raison procède par opposition, là où l'imaginaire surgit dans l'étincelle des rencontres. Il faut pondérer cette approche par la fracture symbolique, et ce sera l'objet de cette quête éclatée.

***

Les trois récits qui constitueront l'échine de ce blog (voir "Bientôt..") abordent cette antinomie de manière différente:

 

L'équivalent du "Moi", dans l'imaginaire, est la quête éclatée: ce sera le sujet du 2e récit.

 

L'imaginaire et la raison sont les produits de dissociation de la pensée mythique originelle: ce sera l'objet du 1er récit: histoire de l'imaginaire. (bien qu'en réalité cette histoire sera surtout une histoire de la "conscience de l'imaginaire", qui n'en est qu'une partie: je préciserai dans une introduction prochaine)

 

L'imaginaire et la raison sont les deux pôles de l'auto-organisation de l'esprit: ce sera le sujet du 3e récit.

 

Cette dualité polaire de l'esprit répond à la double nature de l'homme, individuelle et sociale: la raison est la fonction socialisante de l'esprit, l'imaginaire sa fonction singularisante. La raison vise à l'universel, l'imaginaire à l'unique.

***

Curieusement, tous ces fragments que j'écris aujourd'hui, en espérant qu'il soit les premiers balbutiements d'un nouveau départ, portent encore les traces d'une absence originelle, dans l'élaboration schématique de cette antinomie raison-imaginaire. Une absence qu'ont rendu évidente les rares échanges provoqués par le début de la mise à jour de ce questionnement.

Cette absence, c'est celle de la philosophie.

La première cause en est mon cheminement personnel, inscrit précisément en deux chemins opposés, le surréalisme et le marxisme, qui pour des raisons diverses, s'ouvrent peu à l'abstraction universelle. Le premier, parce qu'en poètes les surréalistes ont tenu à l'écart la raison et se sont méfiés des théories, moins qu'ils ne le prétendaient, mais cette prétention même pouvait faire office de barrage. Le second parce qu'il tend, surtout lorsqu'il est trop vite compris, à tenir pour vain toute discussion abstraite vite qualifiée "d'idéaliste", mais surtout parce qu'il est tout entier tendu vers l'action. C'est même ce dernier point qui m'a rendu sensible sans doute des auteurs comme Lénine et Breton, cette invitation centrale de leur démarche, de "passer à l'acte", les déterminants de l'action étant bien sur des plus différents de l'un à l'autre, mais l'essentiel est là.

"Changer la vie", a dit Rimbaud; "Transformer le monde" a dit Marx. Pour nous, ces deux mots d'ordre n'en font qu'un". André Breton, Discours au Congrès des écrivains. Voilà, il faut bien dire le genre d'affirmation dont le surréalisme, et Breton en particulier, se sont trop souvent contentés, laissant dans l'ombre les difficultés qu'il y a à tenir pour "un" ces deux voies de l'acte, de la vie, et devant dès alors par après constater que l' "un" décidément restait deux.

Sans doute faudra-t-il que je revienne au cours de ces pages sur ces rapports entre marxisme et surréalisme, mais il ne s'agissait ici que de souligner pourquoi, sans doute, je m'étais tenu à l'écart des méditations abstraites. Ou plutôt, pourquoi je regardais ailleurs, tout en m'y avançant plus ou moins consciemment. Car justement, et ce ne fut qu'à moitié une surprise, dès que je laissai à lire mon propre chemin, que ce fut sur des forums, en des échanges de mails ou sur ces blogs, celles et ceux qui s'intéressèrent de plus près à ce que je disais étaient essentiellement de formation et de passion philosophique.

Je laissai la question en suspens, et c'est au moment où je l'aborde ici que je crois  avoir saisi où la philosophie, comme mode particulier de l'esprit, s'insère dans cette dualité fondatrice: elle est la conscience de la raison, comme les divers mouvements étudiés dans le 2e récit sont des figures de la conscience de l'imaginaire.

Élucider cela demanderait d'abord que j'exprime ce que j'entends par "conscience",sujet vaste sur lequel il faudra aussi revenir.

Mais déjà, ceci: affirmer que l'esprit se polarise en imaginaire et raison, comporte vis-à-vis de la situation actuelle de l'esprit une dimension critique que le surréalisme, en cela héritier des formes plus anciennes de la conscience de l'imaginaire, a clairement assumé: dans la société actuelle, la raison est survalorisée, présentée comme seul chemin valable vers le réel, l'imaginaire étant refoulé dans le fictif; et comme seule dispensatrice de valeur, d'éthique, l'imaginaire n'étant que fantaisie. Or ce refoulement de l'imaginaire par le rationalisme fermé n'est pas sans conséquence sur le développement même de la raison. Elle aussi ne peut prendre conscience d'elle-même que par le face-à-face avec l'imaginaire: privé de son miroir, elle perd conscience d'elle-même. Le refoulement de l'imaginaire induit le dessèchement de la philosophie, ou la rupture du dialogue entre science et philosophie. mais tout cela nous entraînerait bien loin de la dimension fragmentaire de ce qui ne voulait se donner ici que comme avant-goût...

***

Histoire de souligner le caractère plus que fragmentaire de cet avant-dire, conclure sur cette négation de la pensée qu'est la liste...

Imaginaire                             Raison

singulariser                            socialiser

unique                                  universel

narration                              déduction

discontinu                                continu

analogie                                  identité

quête éclatée du double                   Moi

art                                          science

   conscience de l'imaginaire          philosophie

à fleur de conscience                attention

inconnu                                      connu

rencontres                             opposition

nostalgie et désir                        présent

correspondance                        définition

abandon                                    volonté

ruines                                 architecture

 

 

A jouer aux paires de contraires, on risque de voir surgir la dialectique - que ce soit celle d'Hegel, d'Héraclite, d'Eckhart, ou d'Ibn Arabi ou de bien d'autres..

Mais si, justement, pour ne pas se perdre dans le chaos originel de son activité,  la pensée ne s'était pas elle-même polarisée, scindée, pour ensuite s'étreindre dialectiquement?

Ah oui, il faudra aussi expliquer ce que pourrait être une telle dialectique ... bien des choses en somme.

Mais surtout sans synthèse ni salut en l'Un: car tout est perdu.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
C
Grand merci de ce bien agréable message, Pascale. Malheureusement, encore du retard dans la reprise du blog. Mais mi-mars, celui-ci et "Envers" devraient, au moins un peu, redémarrer, je devrais avoir du temps libre à revendre!<br /> <br /> A bientôt
P
Heureuse de te retrouver. Un vrai plaisir en perspective.
Publicité