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14 août 2007

Le surréalisme aujourd'hui: 2) La conscience imaginaire

Que le surréalisme puisse garder aujourd'hui une grande force d'attraction, et donc dépasse la période généralement dévolue à un courant de pensée ou artistique, signifie deux choses: d'une part, que la vision traditionnelle, historiciste de l'art comme de la pensée, qui voit se succéder des mouvements, vision à laquelle adhère Breton lorsqu'il affirme que le surréalisme aura perdu sa validité quand un mouvement plus émancipateur sera apparu, que c'est cette vision elle-même qui est dépassée, et avec elle la notion devenue fourre-tout de l'"avant-garde". On ouvre là sur la thématique des groupes, écoles et mouvements dans l'histoire de l'art, comme dit précédemment.

D'autre part, cette permanence de l'exigence surréaliste suppose qu'elle exprime, sinon sous sa forme acquise, au moins dans ce qui, souterrainement la nourrit, une nécessité fondamentale de l'être humain. Mais alors, s'il s'agit d'une nécessité humaine, elle ne peut être moderne, et doit retrouver des échos dans toute l'histoire humaine. Et c'est bien à cela qu'invite Breton (et Breton quasiment seul, relativement isolé là au sein du surréalisme comme pour le hasard objectif),lorsqu'il porte son regard vers certains courants ésotériques et gnostiques anciens, et vers le romantisme allemand.

Vu ainsi, le surréalisme n'a de sens que dans l'actualisation de ces pensées anciennes. Être nécessaire suppose une double condition, de permanence et de modernité: incarner une nécessité fondamentale de l'être d'une part, d'abord. Et l'incarner d'une manière nouvelle, correspondant à l'époque.

Cette nécessité fondamentale ressort de ce que l'on nomme ici la "conscience imaginaire", (actualisation de "l'imaginal" tel que le décrit Corbin dans ses études magistrales sur l'ésotérisme mystique musulman) qui fonde irréductibilité individuelle de l'être. En effet, la double condition de la nécessité que l'on vient de poser sur le surréalisme est le reflet d'une nécessité fondamentale de tout être humain, qui renvoie à l'énigmatique "sens de la vie". Pourquoi sommes-nous, chacun, nécessaire?

Être nécessaire suppose être utile, et c'est le versant social, l'intégration dans le groupe qui répond à cette condition. Mais l'autre condition implique, être comme nul autre auparavant, et c'est l'individualisation dont le moteur essentiel est l'imaginaire.

Sur le plan psychologique, on peut dire que la première nécessité dirige la formation de l'Ego, du sujet, le "je suis Moi" et tend vers la rationalité, développement de ce principe d'identité, alors que l'autre, écho du "Je est un autre" de Rimbaud, ouvre sur le "double" mythique, le fantôme de soi (en termes gnostiques anciens, chez Corbin: l'ange), le Moi imaginaire. Tel est le noyau de la nécessité humaine qui justifie aujourd'hui la continuation de l'aventure surréaliste.

Mais l'autre condition, ce qui fait que le surréalisme est non seulement utile, mais nécessaire, qui fait qu'il emprunte des voies jusqu'ici mal ou peu empruntées, est donc l'actualisation de cette nécessité, et du courant gnostique qui en fut l'expression ancienne, son inscription dans la modernité. L'un des éléments essentiels, et qui a des conséquences nombreuses, est l'athéisme, élément fondamental du surréalisme, qui l'oppose à ces courants antérieurs. Par là, il prolonge et amène à son terme le renversement produit à la Renaissance, où l'artiste devient la forme moderne du visionnaire mystique. Parmi les conséquences de  cette intégration de la gnose dans la modernité athée, il y a le renoncement à l'idée de salut, à laquelle Breton fait encore souvent appel; le renversement du principe idéaliste d'une Unité première, qui refait surface dans sa conception de l'amour (Arcane 17, surtout); l'éclatement de la quête spirituelle, termes qui renvoient en fait à la formation, la création, du Moi imaginaire, éclatement qui remplace le cheminement linéaire ancien par une constellation de faits et de mythes reliés entre eux.

Toute volonté de continuer à s'inscrire dans le sillage surréaliste suppose donc cet effort d'actualisation qui est effort d'intégration. Présentée ainsi, elle ne semble devoir se dérouler que sur le plan théorique (il y aurait, aussi, à étudier l'ambivalence du surréalisme vis-à-vis de toute théorie). Or elle doit, fut-ce dans  premier temps à l'aveugle, s'inscrire dans le fait, fut-il celui-ci encore donné sou la forme acquise au sein du surréalisme. Là, on ouvre sur l'écriture automatique, et le hasard objectif.

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Commentaires
C
Non. Dada est un cri dont certains échos se font entendre dans le surréalisme, mais qui n'ouvre de lui-même que sur des horizons trop ambigüs. Même s'il est vrai que le retour à une certaine naïveté native de l'expression poétique trouve sa place dans Envers.
C
Do you feel dada?
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