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3 janvier 2008

La charpente symbolique

- prélude (III) à l'histoire de la conscience imaginaire-



1 L'entre-mondes symbolique


Dans les précédents "préludes", il fut question d'abord d'une évocation du récit central, et d'une présentation des recherches parcellaires entamées vers ce qui court sous des pensées aussi diverses que les gnoses anciennes, le romantisme et le surréalisme. Ce ruisseau souterrain qui les relie, et dont ces mouvements manifestent les résurgences périodiques, nous mène vers les sources de l'imaginaire, constituant celui-ci comme l'un des pôles de la pensée, l'autre étant la raison.

Ici, il sera question de la méthode et du plan général, plan général d'une oeuvre trop vaste pour être achevée, mais qui constitue le soubassement de cette quête. Je dis "méthode", mais le terme plus vague d'"approche" serait peut-être mieux venu, tant on est ici plus dans l'intuition, intuition organisée, plus ou moins, mais non systématisée.

Nous sommes, avec ce ruisseau, aux portes de l'indicible. Une approche rationnelle dès le départ aurait, à mon sens, manquer son but, serait restée en surface, prise entre deux écueils: menée avec rigueur, elle aurait constaté des divergences insurmontables entre les conceptions des uns et des autres (voir Parcours).Menée avec la conviction, trop souvent présente chez le spécialistes de ces pensées, d'une permanence anhistorique, voire d'une Tradition transmise, elle aurait gommé les divergences, ne voyant que ce qui soutenait sa thèse.

Pour approcher et ressentir les terres communes, il faut aller plus en aval que les "conceptions", que les élaborations, sans pouvoir pour autant accéder à l'expérience imaginaire proprement dite, inaccessible dans sa singularité.

Cet entre-monde, c'est celui du symbole. Non du symbole dans la signification qu'il prend trop souvent dans la pensée rationaliste, qui admet difficilement l'ouverture du sens, mais tel qu'il est vécu dans les mythes, les légendes, les récits initiatiques et la poésie: image-foyer vers où convergent, par où communiquent des faits ou concepts étrangers les uns aux autres, participant  à des niveaux de réalité différents. Un peu la fractale de l'imaginaire, à ceci près que l'imaginaire n'est ni hiérarchisé ni clairement limité comme peut l'être la raison autour de ses concepts.


2 Les pensées narratives


Ce mode de pensée symbolique est en fait la survivance de la pensée mythique des sociétés non-étatiques. Les mythes, dans ces cultures, participent tout autant de la pensée logique que de la pensée imaginaire. C'est la pensée symbolique qui relie ces deux pôles. Ce qui amène à soulever un autre élément: un symbole isolé n'a guère de valeur. Que l'on ouvre un dictionnaire des symboles, et l'on verra bien des flottements dans les valeurs symboliques. C'est qu'il s'est agi là de recenser les différentes valeurs prises par un élément symbolique particulier dans différentes traditions, lesquels réfèrent de manière plus ou moins directes à un fonds mythique, narratif. C'est en effet dans l'ensemble du réseau symbolique créé par le récit que le symbole prend toute sa valeur.

Or justement les pensées que l'on étudie ici sont des pensées narratives. C'est évident pour la Gnose dont les différents mythes de Création constituent l'expression essentielle. Ce l'est moins pour l'ésotérisme mystique de l'islam, qui a bien des formes, des traités aux poésies, mais les récits initiatiques y jouent un rôle néanmoins essentiel. C'est évident à nouveau pour le romantisme dans le terme même: le romantisme, dans l'esprit du groupe de l'Atheneüm, vise à faire du roman non pas un genre littéraire, mais une œuvre totale.

Ce l'est moins, à nouveau, pour le surréalisme. La dimension narrative ne se distingue généralement pas de la poésie, comme les contes de Péret ou les récits de Joyce Mansour par exemple. La seule expression vraiment narrative tourne autour des récits de hasard objectif, qui ont un statut très particulier en surréalisme: jugés fondamentaux par Breton, ("Nadja" "L'amour fou" "Les vases communicants", soit tout ce qui dans son oeuvre n'est ni théorique ni poétique, tournent autour du hasard objectif), ils sont à peu près inexistants hors de lui, sauf chez des poètes en marge du groupe surréaliste (Dumont, Tarnaud, Rodanski). Je reviendrai sur ce point naturellement. Mais il faut aussi souligner que Breton avait assigné pour tâche centrale au surréalisme l'élaboration d'un "mythe nouveau", tout en restant, il est vrai, très ambigu sur le sens à donner à cette expression.



3 Bricolage mythique


Dès lors, pour aborder ces pensées, un peu à la manière de ces esprits curieux qui précédèrent les véritables chercheurs scientifiques, j'ai bricolé un instrument d'observation: un récit mythique, ou plutôt une trame mythique cohérente qui contienne les éléments symboliques  fondamentaux de ces pensées, à mon sens,  et me  fondant aussi sur des études diverses.

Il s'agit d'appliquer cette "trame" sur les textes et pensées étudiés, pour en vérifier la présence et la structure symbolique (expression curieuse, certes, et qui ne pourra vraiment s'éclairer qu'avec les exemples que je donnerai plus tard). D'ensuite vérifier si ces éléments symboliques jouent véritablement un rôle central dans ces pensées -sans quoi on aurait simplement relevé des ressemblances superficielles-  et qui suppose donc là que l'on étudie alors, de manière plus "classique", rationnelle et historique, ces pensées, mais en prêtant attention à ce que l'approche symbolique a révélé.  Et enfin, de chercher à approcher, grâce à ce que l'on aura mis en évidence, la nature, les modes d'être de l'imaginaire. Phase "psychologique"si l'on veut, mais encore faut-il employer ce terme avec prudence.

Plusieurs remarques avant de livrer cette "trame":

1 L'application de la trame sur la gnose antique n'aura pas à révélé la présence de ces éléments symboliques, car c'est d'elle-même qu'ils sont tirés, et l'on tournerait là en boucle. Néanmoins, cette application va avoir, je crois, son utilité, pour comprendre la structure symbolique et affiner la recherche.

2 Je l'ai dit, tout cela tient souvent plus de la promenade que de la recherche systématique. Dès lors je n'ai dans les textes déjà écrits pas vraiment suivi d'ordre. Seul le premier "degré" du récit, l'Eveil, a été étudié sérieusement, et encore, seule la "récolte", le tamisage symbolique, a-t-il déjà donné un texte achevé. Alors que d'autres textes abordent des éléments de l'analyse historique de ces mouvements de pensées. Et ce sont les conclusions implicites sur l'imaginaire qui ont essentiellement nourris les divers textes que j'ai pu écrire, que ce soit les textes théoriques d'Envers ou certaines préfaces à des catalogues d'exposition ou de livres.

3 Ce bel ordonnancement, en trois étapes, est une tendance plus qu'une véritable règle: d'abord parce qu'il n'est pas vraiment possible à une conscience moderne d'aborder ces textes et ces pensées, sans avoir en tête le contexte historique ni sans les traduire de loin dans son langage "réaliste". Ne serait-ce d'ailleurs que parce que l'on a envie de temps à autre de mesurer le chemin, de voir vers où l'on va. Dès lors, la trame qui suit comporte-t-elle déjà certains éléments vaguement psychologisant.

4 Je livre la trame ici, avant le texte sur la gnose dont, à certains égards, elle procède, et surtout qui permet d'en percevoir l'une des expressions possibles, fondée là sur la connaissance classique de la Gnose. Une autre expression de la trame est le texte d'ouverture donné dans le Prélude (I)



Trame symbolique de la conscience imaginaire


1. L
'éveil: lorsque survient le Messager, que le ciel de la condition humaine se déchire ; instant de la Révélation énigmatique qui ouvre une brèche dans la conscience de l’être et constitue l’impulsion initiale du récit. Renconter du Messager, de l’Etranger qui révèle à l’être qu’il est lui aussi étranger au monde, que sa patrie est Ailleurs. 

2. L’âge d’or : l’Age d'or et de la Chute: première forme du récit, première remontée vers la Patrie symbolique, intérieure, et en même temps première prise de conscience du mouvement inverse, cause de son statut d’étranger. Sous le voile de la nostalgie se révèle les traits de la Patrie de l’être, son Idéal.  

3. La prison: en négatif de cette image de l’âge d’or, et comme résultant de la conception de la chute, se forme l’image d’un monde-prison, prise de conscience des murs, des chaînes de la condition humaine. La tension entre cette prise de conscience et l’appel nostalgique de l’âge d’or crée le divorce, la faille entre l’être et sa condition. Le monde est sa fausse patrie.

4. L'exil : Puisque Patrie est Ailleurs il faut quitter ce monde, se défaire des habits de prisonniers. C'est le temps de la sortie du monde, du soi ancien d’avant l’éveil. C’est le passage par le désert,  l’arrachement du sol.

5. La quête : le voyage proprement dit, voyage de retour où interviennent les compagnons, où le Maître initie sans montrer, où il faut affronter des épreuves, soulever tout à tour les voiles de la conscience.

6. Le seuil : le moment du passage, la rencontre du double, de l'Aimé, du vêtement de lumière

7. L'union : le salut, la réintégration de l'unité fondamentale, la beauté.


A suivre: Gnose, naissance du mythe








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