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2 août 2009

L'éveil II - Introduction (b)

3 Fractales

J'insiste volontiers sur le caractère fragmentaire de cette étude, sur les limites liées à la forte différence de potentiel entre le sujet et l'auteur. Il est temps ici de souligner les vertus de cette fragmentation, par la grâce des propriétés même de l'imaginaire.

La raison se déploie en énoncé, se décompose en concepts, chacun tendant à s'exclure l'un l'autre, l'énoncé ne pouvant se réduire à aucun des concepts qui le composent sans verser dans le pléonasme. Chaque étage des demeures logiques est clairement séparé l'un de l'autre, selon une succession de dimensions faisant échos aux liens géométriques entre point, plan et espace.

L'imaginaire se déploie en récit, se décompose en images. Mais toute image doit être appréhendée comme un récit en puissance, ou comme les fragments survivants d'un récit perdu. Chaque élément du récit est un récit à une échelle inférieure, selon une homothétie interne symbolique.  Que la côte de Bretagne fut l'une des premières images du concept topologique de fractale, cette Bretagne dont la Matière constitue le terreau le plus fécond de la conscience poétique en Occident,  entre autres par les cycles arthuriens, mérite d'être souligné. Le scientifique, certes, vise à la mesurer, le poète y erre.

Ainsi, le premier stade de la quête contient-il tous les suivants:
2 L'éveil est d'abord un réveil, un rappel des origines, de l'Age d'or d'avant, d'hors le temps
3 Il est aussi cri (particulièrement dans la Gnose antique): cri de douleur, conscience d'être, en la condition humaine primaire, un prisonnier
4 L'éveil brise, par son intrusion, les chaînes de la conscience commune: il est déjà un détachement, un exil.
5 Il est aussi voyage, un voyage réduit en ses pôles, origine et destinée, Ici et Là dont la conversion constitue l'essence même de la quête
6 Il est, par la rencontre avec l'Etranger,  la mise en présence de l'Autre comme Soi véritable
7 Enfin, l'éveil est, déjà, le salut: ce sera d'ailleurs ce caractère de salut immédiat et inconditionnel de la Gnose antique qui scandalisa le plus le christianisme en gestation qui lui est contemporain.

Ainsi, l'étude de ce premier stade est-il une approche de l'ensemble même de la quête.
Et il en va de même lorsque l'on décompose chaque stade en ses figures symboliques.

Si tout symbole est un récit en puissance, c'est qu'il est d'abord un fait, et une émotion. Le fait central de l'Eveil est la rencontre avec l'étranger, et le sentiment, celui des retrouvailles. Fait et émotion forment ici un oxymore, l'étranger familier, et c'est sans doute là une propriété constante et essentielle de toute élaboration symbolique.

Le déploiement de ce fait central en épisode initial de la quête répond à de simples potentialités logiques: s'il est étranger, c'est qu'il vient d'ailleurs, s'il est de ma famille, c'est que cet ailleurs est ma vraie patrie. Si Là est ma vraie patrie, Ici est une illusion. Si c'est un éveil, c'est que j'étais endormi, etc.

Que la logique, mode rationnel par excellence, joue un rôle fondamental dans le déploiement de la conscience imaginaire n'étonnera que celui qui verrait entre ces deux visages de la pensée une différence de nature. Il s'agit en fait d'un retournement de sens, d'orientation, de conversion. Ce qui est décisif est de savoir qui donne le la: le déploiement le logique se fait ici au service de l'illumination poétique, découle d'elle et non l'inverse.

C'est en ce sens que l'approche la plus courante de ces pensées, l'approche disons philosophique, commençant par leurs conceptions du monde, ne peut faire que fausse route. Gnostiques et poètes ne sont pas arrivés à la conscience poétique par une réflexion sur la condition humaine. Ils ont d'abord vécu des faits spirituels, qu'ils ont déployés ensuite, pour parfois tirer de ces faits une vision nouvelle de l'homme, visions ancrées dans le contexte idéologique de leurs époques respectives, et dès lors divergentes. (voir ici : Parcours)
Seul le retour au fait initial peut permettre d'appréhender l'étrange familiarité entre elles.

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Commentaires
C
Relisant Breton, il dit encore plus clairement ailleurs, toujours dans le Manifeste "C'est peut-être l'enfance qui approche le plus de la vraie vie"<br /> <br /> Il y a dans l'approche, par les surréalistes, de l'enfance, mais aussi des peuples primitifs, une thématique symbolique qui fait écho à l'âge d'or gnostique, et en particulier le thème de l'unité perdue,de la perte de soi, une perte qui engendre un divorce entre l'être et le monde. <br /> La psychologie ne dit pas autre chose. (il faudrait revenir à la question du "sentiment océanique", entre autre)<br /> Il ne s'agit pas de prendre tout cela au pied de la lettre: nous sommes dans le registre symbolique, et il ne faudrait pas s'amuser à plaquer sur ce thème symbolique de la nostalgie de l'âge d'or une grille politique ou philosophique moderne qui y verrait la manifestation d'une visée réactionnaire. <br /> Il y a dans la nostalgie créatrice quelque chose de plus subtile que ne pourrait être perçu par une vision linéaire de l'être, comme de l'histoire. <br /> Ce que tu dis d'ailleurs, Patrice, en y voyant le terreau de l'utopie qui lance vers l'avant, loin de faire revenir.<br /> Ce sentiment d'unité perdue est-il "vrai" ou illusoire, déformé? Je crois que la question est inopérante ici.
P
Disons que nous aspirons tous dans notre imaginaire à ce que le charme de l'enfance soit apparenté à l'Âge d'or. Qui dit enfance dit pureté mais c'est là encore une déformation de nos multiples miroirs.<br /> Mais sans l'utopie nous ne pourrions tendre vers l'âge d'or et encore moins vers la pureté.<br /> P.S. Le mot "pureté" est à prendre dans son sens large et non pas exempt de tout péchers comme le prennent les judéo-chrétiens.<br /> Bisous à vous deux
F
"L'enfance pour aussi massacrée qu'elle ait été par le soin des dresseurs…" je cite de mémoire. Effectivement, mais je ne pense pas que l'on puisse apparenter cette réflexion à un (hypothétique) Âge d'or. Le charme de l'enfance restant lui aussi hypothétique.
C
Entièrement d'accord. Ce qui se donne pour souvenir est l'effet d'une nostalgie créatrice essentielle. <br /> Il y a, néanmoins, l'enfance. Et l'ouverture du 1er manifeste de Breton, qui en appelle à ses charmes comme source première n'est sans doute pour rien dans l'accord que je ressentis avec sa pensée.
F
Voilà qui est fort intéressant. Mais, hélas, je ne crois pas à cette époque nommée L'âge d'or. Je la perçois comme une utopie justement, sollicitant les forces vives de l'imaginaire, mais non comme une époque antérieure qu'il nous faudrait retrouver.
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