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25 mars 2009

Gnose, naissance du mythe - 7 et fin

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Premier article


L’imaginaire gnostique


On a précédemment évoqué le caractère éventuellement visionnaire de l’expérience gnostique.

Les rares évocations de l’ascension mystique, comme celles plus nombreuses de la chute,  ne semble guère aller dans ce sens : leur structure nous renvoie au voyage extatique, mais les éléments qui la composent semblent plus répondre soit à une intentionnalité réfléchie, soit, lorsqu’il s’agit de passer de cieux en cieux en donnant les vrais noms, d’une obsession classificatrice qui scande nombre de textes. On est loin de l’expérience pure de la vision extatique.

Mais la vision n’est pas une expression libre de l’imaginaire. Elle est préparée par la spéculation qui modèle l’attente du visionnaire, et que le récit fait a posteriori va éventuellement transformer et structurer pour la faire entrer dans le cadre spéculatif. L’imaginaire gnostique semble particulièrement naître d’un va-et-vient constant entre vision et spéculation, se faisant la courte échelle dans l’élaboration du récit.

Le florilège de mythes, d’événements, de visions, montre l’importance de l’imaginaire dans la Gnose. Mais dans le même temps, cet imaginaire, loin de s’épandre dans une floraison de formes, d’images, reste largement tributaire du cadre spéculatif,  comme de l’héritage des images anciennes qu’il se contente souvent de retravailler, en les changeant de contexte, de signe, en les condensant en des images synthétiques.

Plus encore, le rejet du monde créé, et donc de toute création, invite le gnostique à se méfier des formes, des choses. Ce qui domine la parole gnostique, c’est le rythme, le chiffre, la lumière, les engendrements répétitifs: l’informel. 

L’imaginaire semble comme alourdi par l’ambition de la Gnose d’en faire le vecteur d’une connaissance, en lui donnant des vertus explicatives, et le guide d’une attitude morale rigoureuse.

On est loin, finalement, du merveilleux poétique comme de la vision extatique. Bien des textes sont par ailleurs dominés par la litanie, le ton moral de l’accusation, l’autocomplaisance des lamentations. Mais il s’agit alors, en général, plus de textes inscrits dans une religion naissante, que de textes propres aux fondateurs des courants gnostiques, et donc naturellement plus axés sur la répétition fidèle que sur la découverte visionnaire.

Il convient surtout de noter qu’il ne faut pas tant juger de l’imaginaire en Gnose en fonction de ses produits, textes et récits, qu’en fonction du mode de pensée qu’il implique. Qu’est-ce que la Gnose proprement dite ? Connaître ? Mais connaître quoi, et surtout comment? Connaître les récits et dits gnostiques, les lire, les réciter en prières? C’est à cela que seront sans doute réduits les fidèles des générations ultérieures. Ce faisant, la Gnose évolue vers la religion, et ne nous intéresse guère, ici. Mais pour les autres, connaître, c’est d’abord voir le Messager, entendre l’appel. C’est remonter vers l’Unité. La vision, gnostique, très abstraite, est tendue vers cette remontée. L’orientation est donnée : vers la lumière, vers le verbe pur, dépourvu de forme et d’image. 

Le gnostique est invité à aller au plus profond de lui « les yeux fermés » (Poimandres), pour se « connaître », aller à sa recherche. Il s’agit de se revêtir du vêtement de la Gnose, de devenir la Gnose, de devenir Dieu.

La quête

Ce qui est surtout important, c’est que, dans ce jeu de la spéculation et de la vision, se met en place le cadre général d’une quête de soi orientée vers l’Un et dont les principaux épisodes vont se perpétuer :
l’instant de l’Eveil, de la rencontre entre le Gnostique et l’Envoyé
La nostalgie de l’Unité perdue
Le sentiment de l’emprisonnement dans le monde
L’exigence du détachement, de la séparation d’avec ce monde
Le voyage de retour
La rencontre du double
Le salut dans la réintégration de l’unité.

Il faudra qu’un nouveau développement de la pensée, et de l’individu, se produise lorsque les visionnaires mystiques musulmans du Moyen Age décriront leur ascension, pour que l’impulsion donnée par le cadre gnostique à l’imagination créatrice apparaisse au grand jour.

Il est possible que de tels récits, tenus assez naturellement secrets, soient apparus dès les temps de la Gnose. Dans le passage du mythe gnostique aux récits initiatiques de la mystique, il est impossible de faire la part de la transmission et des développements originaux. 
Ainsi, le récit s’inverse : alors qu’en Gnose, le récit, c’est avant tout le Messager qui le livre au gnostique : « voilà ce qui m’est arrivé », dans la mystique, c’est l'aventure du gnostique elle-même qui nous sera livrée. Mais le cadre de celle-ci est donné, et ne variera pas avant longtemps : à cet égard, la Gnose est un moment initial de la conscience imaginaire.

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